Gear-Up !
ou : un tour en Ural 2 roues motrices au National Black Dog, rallye-trail organisé par l'AMA.
par Chris Sidah

"Votre mission, si vous l'acceptez, est de rencontrer Irbit Motorworks, l'importateur des sidecars Ural, au quinzième rallye-trail annuel National Black Dog de l'AMA, à Mount Hood dans l'Orégon, et consacrer deux jours de Juillet à y explorer toutes les petites routes forestières avec un sidecar Gear-Up. "Laissez-moi réfléchir ... un ouistiti, deux ouistitis, ... d'accord, ça a l'air marrant ! J'ai demandé à ma petite femme chérie, Sandy, si elle voulait bien faire le singe le temps d'un week-end. Elle a dit d'accord, et c'est parti !

On a rejoint le camping de Mount Hood Village, lieu de rassemblement du Black Dog, et après avoir installé notre campement nous avons rencontré Gary Kelsey. Il est le responsable marketing et communication de Irbit Motorworks of America. En attendant l'arrivée des bécanes, il m'a donné un aperçu de l'histoire des motos Ural et d'Irbit.

L'histoire des motos Ural remonte jusqu'à la BMW R71 du temps de la seconde guerre mondiale. Comment les Russes en ont eu une entre les mains pour la copier, cela dépend qui en raconte l'histoire. Près de 10.000 exemplaires furent produits durant la guerre, et la production s'est poursuivie ensuite. En 1950, 30.000 exemplaires avaient été produits, et à partir de 1953 l'usine a commencé à exporter. Elle a été privatisée en 1998. A ce jour, l'usine revendique une production totale de plus de 3 millions de machines, celles exportées l'ayant été dans quasiment tous les pays du monde.

Ca a commencé tôt samedi matin. Après un petit-déjeûner de bacon, oeuf et pommes de terre sautées préparés sur notre réchaud, nous nous sommes dirigés vers le pointage-départ et contrôle sonore, les db étant strictement contrôlés pour préserver le voisinage. Avec Sandy dans le panier, nous étions en route dès 7h du matin. Le parcours nous avait été fourni sous forme de longs rouleaux prévus pour un tripmaster, bien pratique pour lire son chemin tout en roulant. Ce système a cours depuis des années, mais je suis convaincu de le voir un jour remplacé par des coordonnées GPS à télécharger. Et on utilise des compteurs de vélo à la place des compteurs kilométriques d'origine, trop peu précis.

Après 7,4km on est sortis de la voie rapide 26 et on a mis le cap sur la route forestière du lac Trillium. Le Gear-Up s'est d'un coup retrouvé dans son élément. Mets le bon rapport et laisse faire le couple et le gros volant d'inertie du twin 750. Monter les rapports demande du temps et une certaine attention à cause de cette inertie. Rétrograder se passe bien, pour peu qu'on adapte les vitesses relatives du moteur et de la boîte. Je n'ai à aucun moment raté un passage de vitesse. Les petites routes de graviers délicates à négocier avec un trail-bike deviennent un jeu d'enfant avec la troisième roue. Déraper ou toute autre négligence est pardonné grâce à cet ajout qui prévient toute chute.

L'arrivée au lac Trillium a été l'occasion d'une "photo-Kodak", avec le mont Hood couvert de neige en arrière-plan du miroitement du lac de montagne. Nous y avons aussi expérimenté l'UDF, "Ural Delay Factor" ou facteur-retard dû à l'Ural, temps consacré à répondre à la curiosité des passants. Le Gear-Up semble tout droit sorti des accessoires du film "le jour le plus long", et a attiré l'attention à chaque fois que nous nous sommes arrêtés. Sandy s'est retrouvée à discuter avec d'autres passagères des avantages tels le confort du panier ou la vue plus intéressante que d'avoir en permanence l'arrière d'un casque sous les yeux. Les gens venaient nous voir avec toutes sortes de questions et remarques, au point que je me suis demandé si cela ne montrait pas un début de retour à la mode du sidecar.

Après le lac Trillium, nous avons pris la direction d'une carrière abandonnée, premier passage délicat. Kelsey, qui menait au guidon d'un Ural Deco de 98, dépourvu de la roue motrice au side, s'est planté dans une ornière et est resté enlisé. Le moment est venu pour moi de craboter la deuxième roue et voir ce que ça donne. Le Gear-up n'a eu aucune difficulté à monter la colline, mais le chemin était fermé et il a fallu redescendre.

La seconde roue motrice fonctionne vraiment bien dans les passages de faible adhérence, en revanche la tenue de cap devient plus délicate lorsque les deux roues poussent, car il n'y a pas de différentiel comme sur une auto.

Après avoir fait demi-tour et choisi un autre chemin, on a eu quelques difficultés à désengager la transmission côté side. Kelsey est venu à la rescousse à l'aide d'un maillet en caoutchouc. Avec seulement 300km au compteur, le contrôle du crabotage est encore raide, et là il ne voulait plus lâcher. Perdus en pleine forêt, c'est bon de savoir qu'on a avec nous un gars qui a complété sa trousse à outils avec une maillet en caoutchouc !

A propos d'outils, la trousse d'origine est de qualité acceptable et inclut une pompe et un contrôleur de pression. La roue de secours à l'arrière du panier est une bonne chose, elle peut remplacer la roue arrière de la moto, ou celle du side, et la roue avant - qui désormais arbore un frein à disque - a un moyeu interchangeable, mais il n'y a pas de cric. Une béquille centrale est disponible, et en synchronisant leurs efforts un pilote et un passager peuvent béquiller les 340kg de l'attelage. Pour lever la roue du side, il faut trouver une cale qui convienne, et tout ira bien avec un petit cric à trouver chez un accessoiriste auto.

La forêt s'avère magnifique, avec partout des rhododendrons en fleur, et une température maximale un peu en dessous de 27°C. La route serpente ça et là, sans s'éloigner de la grand-route. Après le déjeûner à proximité d'un autre beau lac de montagne, une section particulièrement poussiéreuse de chemins de maintenance le long de lignes à haute tension nous a donné envie du camping, d'une bonne douche chaude et d'une glacière pleine de bières bien fraîches. "On laisse tomber la dernière boucle, et on rentre".

Ces dernières années, les Urals ont été améliorées avec des freins Brembo, des alternateurs Denso, des carburateurs Keihin et des allumages électroniques. Les soucis de fiabilité ne sont pratiquement plus qu'un lointain souvenir. Le concept de base remonte toutefois à 60 ans en arrière, et cela s'est senti lors du retour sur la voie rapide 26. Il n'y avait personne lorsque nous l'avions empruntée au départ, désormais elle est pleine de camping-cars et de gros pick-ups de 2,5m de haut, tractant des jet-skis. Tous semblaient vouloir rouler deux fois plus vite que la limite officielle de 70km/h. Je me suis réglé sur la vitesse maximale recommandée de l'Ural soit 100km/h (un chiffre arbitraire pour raisons réglementaires m'a-t-on dit), pour éviter de gêner le traffic, plus rapide. Une fois revenus au camping, on s'est reposés en regardant le retour des autres motards.

On voit de tout, de la machine de cross à peine déguisée à la Suzuki V-Strom équipée de valises rigides. Le rallye était limité à 200 participants, parmi lesquels une douzaine de sidecars, pour la plupart des Urals, mais aussi une paire de kawasaki KLRs et une Moto Guzzi Quota attelées.

Le dimanche, plutôt que de suivre les chemins principalement tout-terrains du rallye-trail, on a contourné par le chemin de mont Hood jusqu'au pavillon de Timberline. Commencé en juin 1936, Timberline a été construit à la main dans le cadre d'un projet fédéral WPA (Works Progress Administration), et quinze mois plus tard a été inauguré par le président Franklin Roosevelt, et le statut de monument historique lui a été attribué en 1978. Au vu des parkings saturés, on s'est rendus compte de la popularité de cet endroit devenu un lieu de loisirs très fréquenté l'été par les habitants de Portland, toute proche. Du coup on est redescendus ...

Alors, pourquoi un sidecar ? Ils cumulent les inconvénients des autos et motos, sans avoir les avantages de l'un ou de l'autre. Mettre les gaz pour tourner à droite, les couper pour tourner à gauche. Il arrive d'utiliser simultanément les gaz et le frein avant. Il doit bien y avoir une raison pour conduire cela ! La réponse, c'est qu'ils changent tout. Impossible d'être indifférent à un "lever de panier". Pour Tod Rafferty, journaliste moto et copain de longue date, ils te mettent dans la peau d'un autre personnage. Il dit aussi que mon plaisir à rouler en side est une forme de déviance de personnalité. Le commentaire le plus fréquent de la part de non motards est "ça a l'air vraiment sympa". Des personnes qui me sont totalement inconnues m'adressent des sourires et des signes de main. Conduire un sidecar est perçu comme une activité aussi paisible que la pêche à la mouche.

Je possède un Ural Troïka de 2005, ce qui fait que j'étais déjà familiarisé avec l'attelage que m'a confié Irbit Motorworks. Sans expérience préalable du sidecar, le rallye Black Dog eût été beaucoup plus difficile. Je conseillerais à toute personne intéressée de contacter la United Sidecar Association (www.sidecar.com) pour identifier les revendeurs et bien se renseigner.

Irbit Motorworks (www.imz-ural.com) propose plusieurs variantes du modèle de base, certaines avec la transmission à la roue du side, et une moto solo, la Wolf. Le réseau d'agents s'étend et les ventes augmentent, il doit y avoir une bonne raison.

On a eu beaucoup de plaisir dans cette région sauvage de mont Hood. L'organisation du Black Dog a bien tenu son rôle, tout s'est parfaitement déroulé. A coup sûr nous reviendrons !



Article original : Rider Mag, février 2007

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