Un parfum d'exception ...
texte de Simon Bradley
MZ. Les lecteurs d'un certain âge vont de suite se
remémorer les petits deux-temps fumants, plus
réussis pour leur fonctionnalité que pour leur
silhouette, que pratiquement tout le monde a eu l'occasion
d'utiliser. Et il y a de bonnes raisons pour lesquelles tant d'entre
nous en ont possédés : ils n'étaient
sans doute pas très beaux, ils n'étaient sans
doute pas très rapides. Mais ils se comportaient assez bien,
et s'il leur arrivait des misères, ils s'en remettaient
bien. Et, point le plus important, ils étaient
réellement increvables. En plus, ils étaient
stupidement peu chers. Tout ceci en faisait de parfaits utilitaires
pour tous les jours, d'autant plus si vous deviez compter sur la
technologie moteur (et électrique) italienne ou anglaise
pour rouler à deux roues !
Mais le temps et le technologie progressent inexorablement. La chute du
mur de Berlin et la réunification de l'Allemagne ont
apporté à l'Est des produits beaucoup plus
modernes, plus aboutis et, franchement, beaucoup plus sexy. Ajoutez
à cela un lobby écologiste de plus en plus
puissant et actif, considérant les deux-temps fumants et
puants comme une abomination à bannir, et le sort en
était jeté. MZ devait s'adapter ou mourir, comme
ce fut le cas pour son équivalent à quatre
roues, Trabant. MZ repart désormais en tant que constructeur
innovant et habile, saisissant l'opportunité de la
disponibilité de moteurs et suspensions modernes,
contrairement à d'autres qui ont cru voir un
désastre dans l'invasion des produits peu chers venus de
l'Ouest. Ils ont fait le plus dur, en s'appuyant sur une ligne de
deux-roues motorisés par d'autres constructeurs, conservant
un prix compétitif et quelques traces du style des anciennes
productions, bien assemblées et fiables. Mais un
constructeur comme MZ ne pouvait se satisfaire d'intégrer
des moteurs extérieurs pour produire ses motos, et ses
actionnaires (un nouveau concept pour une société
d'Europe de l'Est !) seraient restés inquiets de
dépendre autant d'une autre firme, potentiellement rivale.
Ils ont donc décidé de construire leur propre
moto.
MZ a, pour mémoire, assis sa réputation sur des
utilitaires sympas et pas chers. Leurs premières productions
d'après réunification ont
été basées sur le 500 Rotax,
ultra-fiable mais plutôt ... agricole, et la Skorpion qui a
suivi était de la même trempe. Du coup, quand
leurs nouveaux financiers Malais leur ont donné le feu vert
pour le développement de leur propre moteur, tout le monde
s'attendait à avoir arriver quelque chose dans la
même veine.
Sauf que, bien sûr, ce n'est pas ça qu'ils ont
fait. Le nouveau moteur MZ, le premier depuis au moins trente ans,
serait pour une sportive de 1000cm3. Eh bien, pourquoi pas ?
Développer un quatre cylindres est un défi
majeur, et donnerait inévitablement un résultat
un peu fade. Aussi il a été
décidé de faire un bicylindre. Et qui plus est,
un twin parallèle - une configuration
réputée idéale pour combiner la
puissance et le couple. Un soin particulier, et des balanciers
d'équilibrage, ont été
apportés pour contrer les vibrations inhérentes
à cette architecture ; une alimentation par injection et une
gestion évoluée du moteur témoignent
de la recherche de puissance. Nombre d'études ont
établi qu'il n'y avait pas d'avantage notable à
utiliser un cadre en aluminium, du coup un
élégant pontet d'acier relie le moteur au bras
oscillant et son bâti d'aluminium. La fourche est
à mettre au crédit de Marzocchi, tandis que les
freins sont des Nissin et semblent identiques à ceux
montés sur la Honda SP-2. Le carénage, sa bulle,
le réservoir et la selle résultent de nombreuses
heures en soufflerie pour optimiser le refroidissement et la
protection. C'est du moins ce qu'on nous a indiqué
lors d'une présentation de cette moto, au centre d'essais de
Millbrook.
On avait eu la chance de récupérer une moto de
démonstration le mercredi précédent,
ce qui nous a laissé le temps, avant d'aller à
Millbrook, d'accumuler quelques centaines de kilomètres et
nous faire un bonne première idée de ce que la
moto vaut vraiment. Et désormais, après une
semaine et près de 2000 kilomètres, je suis
à peu près sûr de savoir sur quoi je
roule. Mais avant mon verdict, jetons un coup d'œil approfondi.
La MZ 1000S est une grosse moto. De taille similaire à une
VFR, je dirais, donc plutôt plus grosse qu'une Ducati 1000DS,
la plus tentante à lui comparer. J'en reparlerai plus loin.
Le design est original et visiblement plus influé par la
fonction que le look. Mais ce n'est pas une critique - la MZ est une
belle moto, même en gris-argent, qui n'est pas une de mes
couleurs préférées. Il y a plein de
détails de finition soignée, comme le petit
rebord autour des entrées du carénage, qui
augmente nettement le débit d'air frais alimentant le
radiateur, tout en restant bien intégré et
discret. Les projecteurs sont habilement dessinés, parvenant
à être à la fois efficaces et beaux, le
feu arrière étant lui aussi original et
parfaitement approprié. Il reste tout de même des
traces du look "bloc de l'Est", avec le support de plaque massif,
apparemment fait-main. Super pour y accrocher les sandows, notez bien,
et ça n'enlève rien à la moto. A
propos de sandows, la 1000S dispose de crochets qu'on peut sortir de
sous la selle arrière afin d'arrimer les bagages plus
facilement : très pratique.
Il y a une bizarrerie intéressante dans le positionnement
des silencieux, qui semblent au premier coup d'œil mal
positionnés. Le silencieux gauche est monté
à l'extérieur du repose-pied passager, alors que
celui de droite est à l'intérieur. Le
résultat est un aspect arrière un peu de
guingois, mais c'est juste une conséquence du cadre
asymétrique qui a permis d'implanter l'amortisseur
arrière près de la batterie, pour centraliser les
masses. Plus, bien sûr, le fait que la chaîne de
transmission soit à droite et non à gauche, comme
on s'y attendrait. En fait, la seule critique que je voie sur cette
moto avant de passer au roulage, c'est l'instrumentation, il semble que
le compteur de vitesse puisse être un peu difficile
à lire dans le feu de l'action.
Roulons à présent. Ma première
impression fut la façon dont tout me convenait parfaitement.
Et j'insiste sur parfaitement ! Visiblement, quelqu'un a
passé beaucoup de temps et fait beaucoup d'efforts sur
l'ergonomie. La MZ 1000S est une moto suprêmement
confortable. Le démarrage montre que le moteur est
raisonnablement doux pour un twin parallèle, mais il ne
fonctionne pas vraiment bien sous 3000t/mn. Sous ce seuil, il y a
beaucoup d'à-coups de transmission et de
trépidations, sous l'effet des secousses des temps moteurs.
L'embrayage, en revanche, est doux et facile à utiliser
tandis que la boîte, sèche au début,
est devenue plus douce et plus précise avec les
kilomètres. Le freinage est absolument fantastique, offrant
beaucoup de feeling et le genre de ralentissement qu'un ancien MZiste
n'aurait jamais pu obtenir, sauf à percuter un camion-benne
tous feux éteints ! En ville, la MZ est agile,
étroite et agréable dans le trafic. Les
rétros, qui vibrent à bas régime,
deviennent nets et le restent à partir de 3000t/mn, et
offrent un excellent champ de vision. Ils restent suffisamment compacts
pour permettre de se faufiler, et peuvent être
plaqués pour les passages plus étroits. Le klaxon
est lui aussi excellent, ce qui fait de la MZ 1000S une moto correcte
en ville.
Mais on n'achète pas une sportive, ou même une
sport-GT, pour la ville. En dehors de la cité, sur route, la
MZ est une révélation. La suspension
réglable de partout est très bien
équilibrée, sans aucun cafouillage même
sortie de caisse, en résulte une moto qui se comporte
très bien sur les bosses, même en prise avec du
gaz, tout en restant confortable. A nouveau la comparaison avec la
Ducati 1000DS me vient à l'esprit. Comme la Ducati, la MZ
répond aussi bien en courbe, que vous soyez recroquevillé
en ligne et bien
appliqué, ou déhanché comme un singe,
mais la MZ semble plus tranchante, autorisant une entrée en
virage plus agressive. En fait, avec l'habitude, il est apparu que
cette nouvelle MZ se comporte d'autant mieux qu'on lui rentre dedans.
Les changements de rapports à la volée, sans
débrayer, qui semblaient hors de question à
rythme plus touriste, deviennent parfaitement normaux à
l'attaque, et les dépassements deviennent simple comme
bonjour lorsqu'on laisse le moteur prendre ses tours. La MZ 1000S est
particulièrement à l'aise sur les nationales
rapides, idéalement avec beaucoup de ronds-points. Ce qui
explique mon grand sourire en revenant de Millbrook, ainsi que de la
séance photo d'aujourd'hui dans le Sussex. Le parcours de
test de tenue de route à Millbrook, quoique soumis
à une limitation de vitesse relativement basse, nous a
permis de bien tirer partie de la tenue de route de la moto (comme quoi
le parcours justifie son nom !) dans un environnement
sécurisé. Ca fait bizarre de rouler sur quelque
chose qui ressemble à une route sans en être une -
même signalisation, mêmes marques au sol, etc ...
mais pas de véhicules venant en face, et des commissaires de
piste sous le coude en cas de besoin. Chouette coin pour les photos,
également. Le radar a montré que 160km/h sont
atteints sans aucun effort par la MZ, mais ce n'était pas
une surprise. En fait je soupçonne qu'un braquet un poil
plus court pourrait rendre la MZ encore plus réactive, tout
en effaçant les trépidations à bas
régime (ou pour le moins en facilitant le passage
par cette zone). Le moteur tourne à si bas régime
à 160km/h que vous ne profiterez jamais de sa pleine
puissance sur le dernier rapport hormis sur autoroute. Et
même là, il vous faudra une bonne ligne droite.
Cela mis à part, je ne vois pas beaucoup de moyens pour
abattre de la distance plus rapidement ou de manière plus
relax qu'avec la MZ 1000S. Plus rapide qu'il n'y parait : c'est un
cliché, mais qui en l'occurrence s'applique bien.
Tant qu'on parle moteur et transmission, il est bon de signaler que la
MZ 1000S délivre une puissance convenable. Très
convenable même - les 115CV proclamés semblent
bien présents et sont délivrés
régulièrement et progressivement, quoiqu'il y ait
un très agréable regain de puissance à
l'approche de la zone rouge. Bien qu'appréciant monter dans
les tours, la MZ est très frugale en carburant, avec une
confortable autonomie de 320km ; le témoin de
réserve s'allume pour sa part alors qu'il reste encore six
bon litres. Voilà qui n'est pas plus mal, car la MZ n'est
pas légère et je ne m'imagine pas la pousser sur
un long chemin, même réservoir vide ! La
boîte de vitesses a mérité quelques
critiques au début, car si elle est, disons, convaincante
à l'usage, on peut la trouver un peu dure. Mais au fil des
kilomètres la boîte s'est
améliorée et est devenue plus facile à
utiliser, tandis que les occasionnels à-coups de
transmission ont semblé devenir moins fréquents.
Dans mon métier, comme vous pouvez l'imaginer, j'ai
l'occasion de conduire des tas de choses. La MZ a le prix du plus fort
taux d'intérêt
généré à l'arrêt.
Car où que nous allions, les gens voulaient la voir et
posaient des questions. C'est une moto au look unique, au son unique
(grâce à une ligne d'échappement bien
faite et au soin apporté au calage moteur) et qui, je le
suppose, restera relativement rare. MZ propose une gamme de coloris
standards, et pour une petite somme supplémentaire peut vous
la fournir dans n'importe quelle couleur de votre choix, ce qui
ajoutera encore à l'attrait unique de la moto. Il y a aussi
une large gamme d'accessoires, déjà
disponibles ou en préparation, incluant des rapports de
boîte "tourisme", une bulle plus haute, des bagages rigides
ou souples, des poignées chauffantes, un système
GPS, etc...
A propos de prix, l'an dernier nous avions inauguré notre
prix de la Moto de l'Année, remporté par la
Ducati 1000DS. La MZ 1000S est à coup sûr une
prétendante pour cette année, capable de faire
les mêmes choses que la Ducati, au moins aussi bien, et
notablement mieux sur certains points. C'est vraiment une
très, très bonne moto.
Mais ça ne fait pas tout. Car ceux d'entre nous qui ont des
souvenirs de MZ s'en rappellent comme de motos à bas prix,
et ceux qui n'ont pas connu les précédentes n'ont
pas de repères vis-à-vis de cette marque qui leur
apparaît nouvelle. Et la MZ 1000S n'est pas bon
marché. Juste sous les 7000£, elle se positionne
proche du haut de son segment de marché. Selon toute
probabilité, c'est la meilleure moto de ce segment. Et
très certainement, elle vaut chaque centime de son prix.
Mais elle affronte une compétition difficile et aux valeurs
bien établies. Serez-vous assez
téméraire ou différend pour aller
à contre-courant ?
J'espère qu'elle rencontrera le succès commercial
qu'elle mérite, car je n'ai aucun doute que c'est, de loin,
la plus agréable sportive (catégorie à
distinguer des supersports replicas) que j'aie essayée cette
année.
article
original : texte et photos d'illustration,
sur http://www.motorbikestoday.com
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