Un Twin sans égal
été 2004 - en exclusivité, le premier test US par Moto Euro !
Qu'attendez-vous
d'une nouvelle moto ? Quel élément fondamental doit-elle
présenter pour attirer votre attention jusqu'à en
envisager l'achat ? Dans le processus de réflexion, qui doit
arbitrer les zones de gris en "tout blanc" ou "tout noir", il fait peu
de doute que, particulièrement pour l'acheteur
d'européenne, le style et l'originalité soient parmi les
qualités les plus attendues. La prouesse technique ou de
conception pourrait être la qualité suivante, incluant les
performances moteur et la qualité de la partie-cycle. Enfin, si
l'argent n'est pas un problème et qu'il reste de la place dans
le garage, vous serez sans doute attentif à lire quelques essais
pour voir si on en dit du bien. Si chaque essai que vous lisez signale
que la nouvelle "Fusée de la Route" a des pistons en
métal mou et qu'elle tient la route comme une brouette, vous
allez probablement laisser tomber : le stylo est parfois plus tranchant
que l'épée !
Tout ceci nous amène
à un dernier point, que j'ai commodément omis de citer
jusque là, et qui constitue la plus importante motivation
d'achat : la fidélité à la marque. Et c'est bel et
bien le seul handicap pour la MZ 1000S. Nos européennes
favorites nous sont bien connues : Guzzi pour le coup de crayon italien
; BMW pour voyager en toute fiabilité ; Aprilia, Ducati ou MV
pour le plaisir sur piste ou routes sinueuses ; Triumph pour toute sa
gamme de machines de caractère. Y a-t-il de la place pour une
autre ?
On ne pourra pas
répondre à cette question, en revanche on peut vous
proposer notre propre avis sur le nouveau vaisseau amiral de MZ. Avant
de passer aux choses sérieuses, sachez que le constructeur
Allemand MZ peut avec raison être fier de sa 1000S et
enthousiaste à présenter sa création au monde
moto. L'ancienne compagnie d'Allemagne de l'Est, désormais
contrôlée par le groupe Malaisien Hong Leong, a une longue
histoire, remontant sur 80 ans. Après la deuxième guerre
mondiale, MuZ a vécu sous le régime communiste avec peu
d'export vers les USA, bien que la compagnie ait vendu des centaines de
milliers de deux-temps utilitaires pas chers. Désormais, dans
l'Allemagne de l'ère post-Reagan, MZ joue son va-tout avec
l'introduction de la 1000S, son premier gros quatre-temps sportif. Il
aura fallu trois longues années d'essais, de mise au point et de
certification aux normes anti-pollution pour amener la MZ au stade de
production, et notre avis est que la 1000S (dont le prix pourrait
être sous les 11.000$) pourrait briguer le titre de moto de
l'année.
Le cœur de la 1000S est
un bicylindre parallèle, double arbres à cames en
tête, à refroidissement liquide. Alignés au-dessus
du carter de vilebrequin, les deux pistons sont parallèles, le
banc de cylindres étant incliné de 40° vers l'avant.
Pourquoi un twin parallèle ? Cette disposition offre de
sérieux atouts, le gain de compacité à la fois en
longueur et en largeur n'en étant pas un des moindres, de
même que le poids inférieur à celui d'un V-twin.
Un inconvénient est
l'équilibre primaire imparfait, ce pourquoi MZ a ajouté
un arbre d'équilibrage excentré par rapport aux manetons
du vilebrequin, pour contrer les vibrations. Alésage et course
de 96 x 69 révèlent un moteur super-carré,
respirant pour chaque cylindre par une paire de soupapes d'admission de
40mm et une paire de 32mm côté échappement. Pour
nourrir ces cylindres il y a deux corps d'alimentation Bing type
"papillon" contrôlés par un boîtier d'injection et
d'allumage Sagem (devenu Johnson Control). Enfin, les deux arbres
à cames sont entraînés par une chaîne
disposée sur le côté, avec un système
hydraulique de maintien de la tension.
En respect des strictes normes
d'émissions nocives Euro 2, la 1000S a deux catalyseurs dans
chacun de ses silencieux ; la boîte à six rapports de type
à cassette extractible est reliée à un embrayage
multi-disques en bain d'huile. Les mesures d'alésage et course
laissent entendre que le twin de 998 cm3 devrait
apprécier prendre des tours, et effectivement c'est le cas, le
gros des chevaux déboulant à 7.000 tours et continuant
jusqu'au rupteur autour de 9.500 tours. La puissance est de 115 CV au
vilebrequin, ce qui donne 98 chevaux à la roue arrière,
à 9.000 tours.
Nous avions été
impressionnés par la qualité de partie-cycle et le
comportement de la Scorpion, lors de notre essai il y a deux ans. Cette
moto était équipée d'un mono 660cm3 Yamaha, et
d'un original cadre tubulaire soudé en acier au
chrome-molybdène ; aussi il n'est pas étonnant que MZ ait
suivi la même voie pour concevoir le châssis de la 1000S.
Cet élément, constitué de deux tubes
jumelés de chaque côté et reliés par des
épaulements à mi-longueur et au niveau de l'ancrage de
fourche, relie la direction à la paire de pivots du bras
oscillant en alliage. Une conception périmétrique, dans
laquelle le moteur est solidement implanté et contribue à
la rigidité. Dans un souci de légèreté,
chaque support est creusé pour gagner de la masse.
Implantées de part et
d'autre de cet assemblage ultra-rigide, se trouvent des suspensions de
qualité : Une fourche inversée Marzocchi de 43mm
entièrement réglable, et à l'arrière un
monoshock sur un cantilever en alu. Le bras oscillant mérite une
inspection plus minutieuse, car les points de soudure (axe, support
d'amortisseur et béquille) sont exposés à de
fortes contraintes pour de l'alliage forgé . Un amortisseur
Showa est logé dessous, avec un point d'ancrage réglable
sur le cadre.
Aux deux
extrémités on trouve les roues en alliage moulé,
d'un type inédit. Le dispositif, dit système
jumelé, est constitué de trois bâtons de roue creux
tout le long de leurs arrêtes, avec un gain de poids de 10% par
rapport à une jante en alliage conventionnelle. Les jantes sont
en 17 pouces, pour respectivement 3.5 et 5.5 pouces de large. MZ a
choisi des freins Nissin de qualité, double-disques de 320mm
à l'avant, mordus par des étriers 4-pistons, et un simple
disque arrière de 240mm pincé par un double-pistons. Ces
mêmes freins équipent les MV Agusta F4, et leurs
performances contribuent aux capacités sportives de la moto.
Conçu pour être solide, simple et léger, le
châssis de la MZ donne un bon exemple des excellents choix de
conception qu'on retrouve sur toute la 1000S.
Approchez-vous de la 1000S et
glissez la clef dans son contacteur central. Le démarrage est
aisé à froid comme à chaud, une seule
poussée du bouton de démarreur suffit pour animer le
moteur immédiatement. Premier reproche : on aurait aimé
avoir accès à un réglage rapide du ralenti,
à froid le moteur ne voulait pas descendre sous 1500 t/mn. Le
ralenti accéléré associé à une
boîte de vitesse plutôt sèche produit un "clonk"
désagréable lorsque qu'on enclenche le premier rapport.
C'est le seul désagrément, car une fois enfourchée
la selle large et confortable, et qu'on a attrapé les
poignées bien positionnées, le plaisir de rouler sur la
toute dernière supersport européenne commence.
Un peu de vibrations est
ressenti dans les repose-pieds, en rythme avec les pulsations sourdes
des silencieux, équipés de double-catalyseurs. Bien
installé sur la 1000S, il n'y a plus qu'à passer quelques
rapports et profiter du couple pour circuler en zone urbaine. La
position de conduite est un poil trop sportive pour rouler longtemps en
ville, mais elle se justifie pleinement dès que la route
s'ouvre. Là, si on sollicite fort le moteur au-delà de
7000 t/mn, la MZ avionne, délivrant le punch qu'on peut attendre
d'un mille et vous collant les yeux au fond des orbites, des sensations
gratifiantes dont on ne se lasse pas.
En dépit du montage
moteur sans silent-blocks, on n'entend qu'une légère
résonance métallique lorsque le twin passe 3000 t/mn en
grondant, en revanche les rétroviseurs montés sur le
carénage restent troubles à haute vitesse.
Confortablement allongé sur le réservoir ergonomique pour
le buste, les pieds et les jambes repliés sur de bons appuis, la
1000S s'avère une partenaire pleine de bonne volonté
dès que la route devient sinueuse. Avec largement assez de place
pour se positionner à volonté de part et d'autre de la
selle, et un bon bras de levier fourni par les poignées
parfaitement placées, choisir et tenir sa trajectoire est un jeu
d'enfant. Les virages serrés ne sont pas non plus un
problème, et le cadre tubulaire costaud n'est pas le moins du
monde perturbé par les manœuvres les plus violentes.
Notre exemplaire d'essai,
préparé par MZ avant que nous l'ayons pris en main,
était réglé pour un compromis piste/route, on l'a
donc laissé tel quel. Sur piste, les freinages appuyés
sur l'avant n'ont pas occasionné de plongée
marquée ou de broutements, alors que l'association
Marzocchi/Showa a parfaitement absorbé les petites bosses et les
fripures de bitume. La garde au sol est importante, ce qui rend la MZ
facile à emmener rapidement. Le comportement routier de la MZ
est de haut niveau : à la fois ferme et souple, il inspire
confiance.
Il n'est pas évident de
classer la 1000S dans une catégorie précise. Bien qu'il
existe beaucoup de bicylindres européens dans cette classe de
cylindrée, aucun ne ressemble vraiment à la
dernière sportive Allemande, et cela rend cette 1000S unique.
Parmi les machines actuellement produites, seule la Triumph Thruxton
est proche en architecture moteur et cylindrée, mais pour le
reste n'appartient pas du tout à la même catégorie.
Parmi les productions récentes, quoique désormais
arrêtées, les Laverda sportives de l'époque Zane
sont assez proches de la 1000S. Les deux machines sont des twins
parallèles DOHC performants à refroidissement liquide,
avec cadre périmétrique, et pour les avoir
essayées je peux témoigner qu'il y a certaines
similitudes.
Cependant, avec plus de 20
millions de dollars investis dans la conception et la mise en
production de la 1000S, MZ a certainement les moyens suffisants pour
éviter une bonne part des problèmes mécaniques qui
ont affecté les Laverda, et ont fait de ces motos une sorte de
chant du cygne du constructeur. Tel quel, niché dans les poutres
de cadre de la 1000S, se trouve le plus puissant twin parallèle
jamais monté sur une moto de production. Et si je me fie
à mon intuition, ce nouveau moteur MZ est un sacré
numéro.
Quand, il y a trois ans, nous
avons vu pour la première fois la 1000S à Milan, nous
avons été emballés par le potentiel de sa
conception et encouragés par la passion de ses constructeurs.
Bien que peu encline à l'éloge facile, l'équipe
Moto-Euro a été impressionnée par la polyvalence
de la MZ. Son style anguleux et agressif promettait de bonnes
performances sur piste, promesse tenue, tout en restant suffisamment
souple et confortable pour une grande virée sportive. En fait,
si l'accueil du public est suffisamment positif, MZ se tient prêt
à faire l'effort pour produire une version GT, et
peut-être même une version trail routier dans la
lignée de son mono Bagheera.
Une fois toutes les notes
passées en revue, les photos prises et les pneus refroidis, j'ai
nettoyé le bas de carénage noir comme de l'encre de la MZ
et je me suis installé sur un tabouret pour l'admirer, comme le
ferait n'importe quel nouveau propriétaire fier de son
acquisition. Là, avec les lumières du magasin qui se
reflétaient sur ses flancs lisses, je suis resté assis
avec la conviction que la MZ allait faire quelques heureux. Magnifique
à l'arrêt et extrêmement plaisante à
conduire, tout ce dont la 1000S a besoin pour faire son trou et lancer
sa lignée est un noyau de fidèles qui croient en elle. Un
passage délicat à considérer pour les, disons,
cinquante premiers acheteurs.
article
original : texte et photos d'illustration, sur http://www.moto-euro.com
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