Le
nouveau bicylindre vertical de l’ « autre
» constructeur de motos allemandes n'est pas seulement une
très
bonne moto, en plus
elle arrive en concession près de chez vous.
par
Alan Cathcart.
Après
trois jours d'essais (route et piste) avec la
nouvelle sportive 1000S de MZ, le fabricant de l'ex-ère
communiste en Allemagne
de l'Est, maintenant possédé par le groupe
industriel Hong Leong de Malaisie,
il est clair que MZ redynamisée a les moyens de produire un
gros
twin 4 temps
réellement bon -- malgré son manque total
d'expérience en motorisation au-delà
de 300cm3.
Mais
j'ai été troublé, voire
même eu un peu honte, de ce
que j'ai découvert. Car il est ironique et embarrassant pour
un britannique,
arborant sur son casque son drapeau national, l'Union Jack, de
constater qu'un
groupe d'Allemands pourrait avoir produit LA moto anglaise moderne ! La
Grande-Bretagne n'a pas inventé le twin parallèle
à huit soupapes -- c'est le
constructeur français Peugeot, avec sa 500 de grand prix de
1913. Mais les
centaines de milliers de twins parallèles produits par les
fabricants anglais,
jusqu'à l'actuelle Triumph Bonneville, ont fait de cette
architecture une
marque de fabrique britannique. Il est donc plutôt surprenant
qu'un constructeur
allemand, financé par de l'argent malaisien, ait pu produire
une moto qui est à
tous points de vue ce qu'une Norton Commando devrait être
aujourd'hui, et non
un bidule rotatif, ni un sempiternel bicylindre rétro
à refroidissement mixte
air/huile, et surtout pas une monstruosité à
moteur V8 singeant les
supersports.
Encore
plus surprenant, peut-être, est le fait que la
1000S, découverte à l'exposition Intermot 2000,
et qui est le premier
multi-cylindres quatre temps jamais produit par MZ, atteigne le stade
de la production
après seulement trois ans de conception, et soit
bientôt disponible en
concessions dans le monde entier, Etats-Unis inclus.
Mes
visites récentes à la petite mais moderne usine
MZ
près de la frontière tchèque m'ont
permis de suivre la genèse de cette sportive
à twin parallèle et huit soupapes,
dotée d'un design original signé Peter
Kaufmann, dont le studio était également
responsable de la BMW C1. Ces voyages
m'ont également permis de voir Ramasamy Vasuthewan, l'un des
deux patrons
(l'autre étant l'Allemand Petr-Karel Korous) menant la
renaissance de MZ.
Lors
de la prise en main, cependant, je me suis demandé
si MZ n'était pas allé trop loin dans la copie
des twins verticaux anglais. En
effet, malgré le refroidissement liquide et le balancier
d'équilibrage, ma
première impression (sur la voie des stands du circuit
d'Hockenheim) était de
percevoir des vibrations anormales dans les repose-pieds (mais pas dans
le
guidon ou la selle). Heureusement, ceci s'est
avéré seulement à bas
régime, et
au-dessus de 5000 t/mn la 1000S s'adoucit -- exactement l'inverse de ce
qu'aurait fait un twin britannique calé à
360° : plus il prend de tours, plus
il vibre !
Le
moteur de la 1000S présente une course relativement longue
(alésage x course de 96mm x 69mm), ce qui permet de fournir
une bonne dose de
couple -- 9.9 m.kg annoncés à 7500 t/mn, pour une
puissance maxi de 114(*)
chevaux
à 9000 t/mn. Ce couple à relativement bas
régime fait de la 1000S une moto
agréable en conditions usuelles, avec un niveau de
performances satisfaisant,
qui ne pousse pas à aller chercher plus de puissance dans
les tours.
Mais
emmenez le moteur au delà des 6200 t/mn, et vous
verrez le twin parallèle commencer vraiment à
fonctionner, respirant
profondément par son injection avec soupapes de 40mm/32mm
(admission/échappement)
et échappement 2-en-1. Il n'y a aucun doute : le 1000S
marche bien dans les
tours, et soutient la comparaison avec, par exemple, la nouvelle Ducati
Monster
1000DS -- une des principales concurrentes dans cette gamme de prix.
Alors
que la
Ducati est plus musclée en bas, et
accélère comme une balle pratiquement depuis
son ralenti, elle manque de souffle à régime plus
élevé, et vibre également
davantage que la 1000S dans les tours, ce qui la rend moins confortable
sur
longs trajets. La 1000S, pour sa part, est relativement molle
à partir de 3000
t/mn, mais démarre soudainement au seuil de 6000 t/mn,
où il y a un sérieux
afflux de chevaux, assez pour satisfaire l'amateur de sportives le plus
exigeant. La MZ 1000S est particulièrement
agréable en conduite sportive, un
peu comme la Ducati 748 peut être plus satisfaisante dans cet
exercice que sa
remplaçante 749, plus performante mais donnant moins de
sensations.
Ce
type de moto demande un recours fréquent à la
boîte de
vitesses, et si celle de la 1000S était un peu dure sur les
trois premiers
rapports, elle était parfaitement précise et
devrait s'adoucir avec le rodage ;
les deux exemplaires que j'ai essayés étaient des
modèles de pré-production qui
n'avaient pas beaucoup de kilomètres. Il est
intéressant et un peu surprenant
de noter que la boîte 6 de la 1000S est extractible, comme
sur des machines de
compétition. On y accède en dévissant
un cache, et on peut l'extraire pour
changer les rapports internes rapidement. Je connais quelques
équipes en Superbike
et Supersport qui auraient aimé avoir la même
chose sur leurs motos !
J'ai
particulièrement apprécié la
cartographie
d'injection de la 1000S, qui permet à la moto de partir sur
un filet de gaz dès
2500 tours, sans à-coups de transmission. En sortie de
virage, à la remise des
gaz, même au seuil d'arrivée de puissance de
6000t, l'injecteur Johnson
Controls (ex-Sagem) qui alimente l'admission Bing de 51mm procure une
traction
continue, précise et sans secousses. Bien vu. Il en va de
même pour la
partie-cycle, qui offre à la 1000S une
maniabilité superbe malgré son poids
mi-lourd de 210 kg à sec. Le cadre tubulaire en acier
chrome-molybdène
-- un «
double-Skorpion
»,
comme le
dit MZ en référence au cadre tubulaire de son
mono à moteur Yamaha -- est un double longerons de
type compétition, le moteur participant à la
rigidité (raison principale pour
laquelle MZ n'a pas choisi le montage avec silentblocs pour supprimer
les
vibrations résiduelles).
Avec
des suspensions qui, à première vue, semblent
plus
économiques que de haute technologie, le châssis
de la 1000S adopte une
géométrie de direction assez classique (un angle
de chasse de 24,5 degrés et
une chasse de 98mm), assortie à un empattement relativement
long (1,43m). J'ai
pourtant pu passer en virage à des vitesses impressionnantes
et avec beaucoup
d'angle, grâce à la fourche inversée
Marzocchi de 43mm, totalement réglable,
parfaitement adaptée et offrant un contrôle
étonnant ; incluant un axe de roue
creux de fort diamètre procurant un supplément de
rigidité pour bien exploiter
le grip de la gomme Metzeler Sportech M1 -- tout cela avec une moto qui
n'a pas
de prétention en Superbike, mais qui vise simplement
à être, pour les
passionnés, une bonne moto utilisable au quotidien.
Les
qualités de comportement de la 1000S sont mises en
évidence par l'attaque sur la piste
déformée de
Hockenheim. Il y a une grosse
bosse en dévers juste sur la trajectoire d'entrée
du
dernier
double-droit avant
les stands, alors qu'il faut entrer le plus vite possible pour bien
emmener la ligne
droite des stands. Beaucoup ont mordu la poussière
à cet endroit, mais en 50
tours je n'ai pas réussi à y mettre en
défaut la 1000S, même plein gaz, sa
fourche Marzocchi et son amortisseur Sachs (actionnant le bras
oscillant en alu
via des biellettes) avalant aisément cette fameuse bosse. La
tenue de route est
tout à fait bonne hors circuit également, avec
une sensation de progressivité à
l'arrière, progressivité qui permet à
MZ
d'utiliser une
suspension souple pour absorber les
bosses (il est toutefois prévu un kit permettant de durcir
l'arrière et
augmenter la garde au sol, pour l'usage sur circuit, selon Juergen
Meusel, le
patron de MZ R&D).
En
plus du réglage de la compression et de
l'amortissement, l'amortisseur Sachs offre une molette de
réglage à distance de
la pré-charge, avec 25 crans, facilement accessible,
permettant de s'adapter à
l'emport d'un passager, de bagages ou aux conditions de route. Cette
moto donne
l'impression d'avoir été
développée par des personnes qui roulent
effectivement
à moto (quel concept !), on le voit notamment aux
rétroviseurs exceptionnels :
ils sont beaux, ne vibrent pas et offrent un grand champ de vision
arrière. Ou
à la béquille, qui est facile à sortir
du bout du pied, et est juste de la
bonne longueur pour la stabilité. Ou encore aux demi-guidons
entièrement réglables
qui devraient permettre à n'importe qui de se sentir bien
installé, avec des
repose-pieds qui ne sont pas trop hauts, préservent une
bonne garde au sol en
virage, et permettent aux genoux de bien s'insérer par
rapport au réservoir de
20 litres, de forme agréable, ni trop haut ni trop large. La
1000S est
également assez confortable. La position semble à
mi-chemin entre une sportive
et une routière ; elle conviendra à M. Toulemonde
sans l'obliger à imiter
Valentino Rossi. Et MZ a une gamme de bagages rigides et divers
accessoires
dédiés, y compris l'habillement du motard, le
tout
sera proposé à la vente en
concessions, auprès de la moto.
La
géométrie de direction classique procure aussi
une
excellente stabilité pour les gros freinages, comme
à l'entrée de la fameuse
Sachs Kurve, où le double-disques avant de 320mm et les
étriers Nissin quatre
pistons procurent une belle capacité de freinage. OK, ils
n'ont peut-être pas
l'attaque d'une paire de freins Brembo radiaux de dernière
génération, mais ils
sont au moins au
niveau du kit standard
de l'entreprise italienne en termes de progressivité et
réponse ; et sachant que chez
Agusta MV, Massimo Tamburini opte pour les étriers Nissin
pour sa F4, je dois reconnaître
qu'on ne peut pas reprocher à MZ de les utiliser sur une
moto qui, je le
répète, n'est pas conçue pour gagner
des épreuves de Superbike.
La
MZ 1000S a mis trois ans avant d'atteindre
les vitrines des concessions, mais ce temps a été
bien
utilisé, avec comme résultat
une moto véritablement attrayante et bonne
peut-être
au-delà des espérances, une de ces motos de route
bien
assemblée
et qui semble
fiable. La qualité de construction des exemplaires de
préproduction m'a semblé
excellente, avec des composants moteur bien
réalisés malgré leur apparence un
peu rustique, et un souci des détails de finition ; la
peinture aussi m'a
semblé profonde et brillante, particulièrement
sur le modèle noir. Le design
agressif est original, seule l'Aprilia Futura présente une
légère similitude
de style avec la 1000S, et ce design est
généralement bien apprécié
lorsqu'on
voit la moto en vrai. Dommage que le tableau de bord fasse un peu
daté, même si
l'éclairage vert est joli, et il n'y a pas de jauge
à
essence, seulement un
voyant de réserve. Oups ...
Maintenant
il appartient au marché de décider si le coup
de poker courageux de MZ pour se renouveler paiera ; le premier des
2000
exemplaires de la 1000S que MZ construira pendant l'année
2004 devant être mis
en vente en novembre partout dans le monde. "Nous avons voulu
créer une
moto unique, qui démarque notre entreprise renaissante du
reste des
constructeurs, et qui s'attache des fans" affirme Petr-Karel, co-PDG de
MZ,
l'homme qui a sauvé MZ de l'oubli de l'histoire post-guerre
froide, l'a faite
revivre un temps sous le nom de MuZ, puis l'a revendue aux malaisiens
en les
aidant à la faire renaitre en tant que constructeur du
21ème
siècle, de
nouveau sous la bannière MZ. "Nous croyons avoir
réussi à produire une
moto constituant une alternative séduisante aux V-twins et
aux
quatre-cylindres, dans le même esprit que l'a fait Triumph
avec son moteur à
trois cylindres. Maintenant il appartient à vos lecteurs de
décider si nous
avons bien fait !"
Après l'essai de la 1000S, je dois reconnaître que oui ...
article
original : texte et photos d'illustration,
sur http://www.motorcyclistonline.com
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(*)
note du
traducteur : le modèle de série
définitif fournit
118 CV à 9000T, mesure au banc effectuée par Moto
Magazine (n°207 de mai 2004) ; et le modèle
bridé
pour la France est annoncé à 98 CV. retour
au texte
A propos de l'auteur : Alan Cathcart est l'un des journalistes-essayeurs les plus connus dans le monde de la moto, à ce titre il essaye régulièrement toutes les machines des plateaux de grand prix et de superbike. Il est également un pilote renommé, ayant un palmarès enviable en supermono, en BOT (Battle Of the Twin) ou encore au TT (Tourist Trophy). Il est considéré comme un spécialiste des monocylindres et bicylindres.
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