Galop d'essai : la MZ 1000S 2004

Le nouveau bicylindre vertical de l’ « autre » constructeur de motos allemandes n'est pas seulement une très bonne moto, en plus elle arrive en concession près de chez vous.

par Alan Cathcart.

Après trois jours d'essais (route et piste) avec la nouvelle sportive 1000S de MZ, le fabricant de l'ex-ère communiste en Allemagne de l'Est, maintenant possédé par le groupe industriel Hong Leong de Malaisie, il est clair que MZ redynamisée a les moyens de produire un gros twin 4 temps réellement bon -- malgré son manque total d'expérience en motorisation au-delà de 300cm3.

Mais j'ai été troublé, voire même eu un peu honte, de ce que j'ai découvert. Car il est ironique et embarrassant pour un britannique, arborant sur son casque son drapeau national, l'Union Jack, de constater qu'un groupe d'Allemands pourrait avoir produit LA moto anglaise moderne ! La Grande-Bretagne n'a pas inventé le twin parallèle à huit soupapes -- c'est le constructeur français Peugeot, avec sa 500 de grand prix de 1913. Mais les centaines de milliers de twins parallèles produits par les fabricants anglais, jusqu'à l'actuelle Triumph Bonneville, ont fait de cette architecture une marque de fabrique britannique. Il est donc plutôt surprenant qu'un constructeur allemand, financé par de l'argent malaisien, ait pu produire une moto qui est à tous points de vue ce qu'une Norton Commando devrait être aujourd'hui, et non un bidule rotatif, ni un sempiternel bicylindre rétro à refroidissement mixte air/huile, et surtout pas une monstruosité à moteur V8 singeant les supersports.

Encore plus surprenant, peut-être, est le fait que la 1000S, découverte à l'exposition Intermot 2000, et qui est le premier multi-cylindres quatre temps jamais produit par MZ, atteigne le stade de la production après seulement trois ans de conception, et soit bientôt disponible en concessions dans le monde entier, Etats-Unis inclus.

Mes visites récentes à la petite mais moderne usine MZ près de la frontière tchèque m'ont permis de suivre la genèse de cette sportive à twin parallèle et huit soupapes, dotée d'un design original signé Peter Kaufmann, dont le studio était également responsable de la BMW C1. Ces voyages m'ont également permis de voir Ramasamy Vasuthewan, l'un des deux patrons (l'autre étant l'Allemand Petr-Karel Korous) menant la renaissance de MZ.

Lors de la prise en main, cependant, je me suis demandé si MZ n'était pas allé trop loin dans la copie des twins verticaux anglais. En effet, malgré le refroidissement liquide et le balancier d'équilibrage, ma première impression (sur la voie des stands du circuit d'Hockenheim) était de percevoir des vibrations anormales dans les repose-pieds (mais pas dans le guidon ou la selle). Heureusement, ceci s'est avéré seulement à bas régime, et au-dessus de 5000 t/mn la 1000S s'adoucit -- exactement l'inverse de ce qu'aurait fait un twin britannique calé à 360° : plus il prend de tours, plus il vibre !

Le moteur de la 1000S présente une course relativement longue (alésage x course de 96mm x 69mm), ce qui permet de fournir une bonne dose de couple -- 9.9 m.kg annoncés à 7500 t/mn, pour une puissance maxi de 114(*) chevaux à 9000 t/mn. Ce couple à relativement bas régime fait de la 1000S une moto agréable en conditions usuelles, avec un niveau de performances satisfaisant, qui ne pousse pas à aller chercher plus de puissance dans les tours.

Mais emmenez le moteur au delà des 6200 t/mn, et vous verrez le twin parallèle commencer vraiment à fonctionner, respirant profondément par son injection avec soupapes de 40mm/32mm (admission/échappement) et échappement 2-en-1. Il n'y a aucun doute : le 1000S marche bien dans les tours, et soutient la comparaison avec, par exemple, la nouvelle Ducati Monster 1000DS -- une des principales concurrentes dans cette gamme de prix. Alors que la Ducati est plus musclée en bas, et accélère comme une balle pratiquement depuis son ralenti, elle manque de souffle à régime plus élevé, et vibre également davantage que la 1000S dans les tours, ce qui la rend moins confortable sur longs trajets. La 1000S, pour sa part, est relativement molle à partir de 3000 t/mn, mais démarre soudainement au seuil de 6000 t/mn, où il y a un sérieux afflux de chevaux, assez pour satisfaire l'amateur de sportives le plus exigeant. La MZ 1000S est particulièrement agréable en conduite sportive, un peu comme la Ducati 748 peut être plus satisfaisante dans cet exercice que sa remplaçante 749, plus performante mais donnant moins de sensations.

Ce type de moto demande un recours fréquent à la boîte de vitesses, et si celle de la 1000S était un peu dure sur les trois premiers rapports, elle était parfaitement précise et devrait s'adoucir avec le rodage ; les deux exemplaires que j'ai essayés étaient des modèles de pré-production qui n'avaient pas beaucoup de kilomètres. Il est intéressant et un peu surprenant de noter que la boîte 6 de la 1000S est extractible, comme sur des machines de compétition. On y accède en dévissant un cache, et on peut l'extraire pour changer les rapports internes rapidement. Je connais quelques équipes en Superbike et Supersport qui auraient aimé avoir la même chose sur leurs motos !

J'ai particulièrement apprécié la cartographie d'injection de la 1000S, qui permet à la moto de partir sur un filet de gaz dès 2500 tours, sans à-coups de transmission. En sortie de virage, à la remise des gaz, même au seuil d'arrivée de puissance de 6000t, l'injecteur Johnson Controls (ex-Sagem) qui alimente l'admission Bing de 51mm procure une traction continue, précise et sans secousses. Bien vu. Il en va de même pour la partie-cycle, qui offre à la 1000S une maniabilité superbe malgré son poids mi-lourd de 210 kg à sec. Le cadre tubulaire en acier chrome-molybdène  -- un « double-Skorpion », comme le dit MZ en référence au cadre tubulaire de son mono à moteur Yamaha -- est un double longerons de type compétition, le moteur participant à la rigidité (raison principale pour laquelle MZ n'a pas choisi le montage avec silentblocs pour supprimer les vibrations résiduelles).

Avec des suspensions qui, à première vue, semblent plus économiques que de haute technologie, le châssis de la 1000S adopte une géométrie de direction assez classique (un angle de chasse de 24,5 degrés et une chasse de 98mm), assortie à un empattement relativement long (1,43m). J'ai pourtant pu passer en virage à des vitesses impressionnantes et avec beaucoup d'angle, grâce à la fourche inversée Marzocchi de 43mm, totalement réglable, parfaitement adaptée et offrant un contrôle étonnant ; incluant un axe de roue creux de fort diamètre procurant un supplément de rigidité pour bien exploiter le grip de la gomme Metzeler Sportech M1 -- tout cela avec une moto qui n'a pas de prétention en Superbike, mais qui vise simplement à être, pour les passionnés, une bonne moto utilisable au quotidien.

Les qualités de comportement de la 1000S sont mises en évidence par l'attaque sur la piste déformée de Hockenheim. Il y a une grosse bosse en dévers juste sur la trajectoire d'entrée du dernier double-droit avant les stands, alors qu'il faut entrer le plus vite possible pour bien emmener la ligne droite des stands. Beaucoup ont mordu la poussière à cet endroit, mais en 50 tours je n'ai pas réussi à y mettre en défaut la 1000S, même plein gaz, sa fourche Marzocchi et son amortisseur Sachs (actionnant le bras oscillant en alu via des biellettes) avalant aisément cette fameuse bosse. La tenue de route est tout à fait bonne hors circuit également, avec une sensation de progressivité à l'arrière, progressivité qui permet à MZ d'utiliser une suspension souple pour absorber les bosses (il est toutefois prévu un kit permettant de durcir l'arrière et augmenter la garde au sol, pour l'usage sur circuit, selon Juergen Meusel, le patron de MZ R&D).

En plus du réglage de la compression et de l'amortissement, l'amortisseur Sachs offre une molette de réglage à distance de la pré-charge, avec 25 crans, facilement accessible, permettant de s'adapter à l'emport d'un passager, de bagages ou aux conditions de route. Cette moto donne l'impression d'avoir été développée par des personnes qui roulent effectivement à moto (quel concept !), on le voit notamment aux rétroviseurs exceptionnels : ils sont beaux, ne vibrent pas et offrent un grand champ de vision arrière. Ou à la béquille, qui est facile à sortir du bout du pied, et est juste de la bonne longueur pour la stabilité. Ou encore aux demi-guidons entièrement réglables qui devraient permettre à n'importe qui de se sentir bien installé, avec des repose-pieds qui ne sont pas trop hauts, préservent une bonne garde au sol en virage, et permettent aux genoux de bien s'insérer par rapport au réservoir de 20 litres, de forme agréable, ni trop haut ni trop large. La 1000S est également assez confortable. La position semble à mi-chemin entre une sportive et une routière ; elle conviendra à M. Toulemonde sans l'obliger à imiter Valentino Rossi. Et MZ a une gamme de bagages rigides et divers accessoires dédiés, y compris l'habillement du motard, le tout sera proposé à la vente en concessions, auprès de la moto.

La géométrie de direction classique procure aussi une excellente stabilité pour les gros freinages, comme à l'entrée de la fameuse Sachs Kurve, où le double-disques avant de 320mm et les étriers Nissin quatre pistons procurent une belle capacité de freinage. OK, ils n'ont peut-être pas l'attaque d'une paire de freins Brembo radiaux de dernière génération, mais ils sont au moins au niveau du kit standard de l'entreprise italienne en termes de progressivité et réponse ; et sachant que chez Agusta MV, Massimo Tamburini opte pour les étriers Nissin pour sa F4, je dois reconnaître qu'on ne peut pas reprocher à MZ de les utiliser sur une moto qui, je le répète, n'est pas conçue pour gagner des épreuves de Superbike.

La MZ 1000S a mis trois ans avant d'atteindre les vitrines des concessions, mais ce temps a été bien utilisé, avec comme résultat une moto véritablement attrayante et bonne peut-être au-delà des espérances, une de ces motos de route bien assemblée et qui semble fiable. La qualité de construction des exemplaires de préproduction m'a semblé excellente, avec des composants moteur bien réalisés malgré leur apparence un peu rustique, et un souci des détails de finition ; la peinture aussi m'a semblé profonde et brillante, particulièrement sur le modèle noir. Le design agressif est original, seule l'Aprilia Futura présente une légère similitude de style avec la 1000S, et ce design est généralement bien apprécié lorsqu'on voit la moto en vrai. Dommage que le tableau de bord fasse un peu daté, même si l'éclairage vert est joli, et il n'y a pas de jauge à essence, seulement un voyant de réserve. Oups ...

Maintenant il appartient au marché de décider si le coup de poker courageux de MZ pour se renouveler paiera ; le premier des 2000 exemplaires de la 1000S que MZ construira pendant l'année 2004 devant être mis en vente en novembre partout dans le monde. "Nous avons voulu créer une moto unique, qui démarque notre entreprise renaissante du reste des constructeurs, et qui s'attache des fans" affirme Petr-Karel, co-PDG de MZ, l'homme qui a sauvé MZ de l'oubli de l'histoire post-guerre froide, l'a faite revivre un temps sous le nom de MuZ, puis l'a revendue aux malaisiens en les aidant à la faire renaitre en tant que constructeur du 21ème siècle, de nouveau sous la bannière MZ. "Nous croyons avoir réussi à produire une moto constituant une alternative séduisante aux V-twins et aux quatre-cylindres, dans le même esprit que l'a fait Triumph avec son moteur à trois cylindres. Maintenant il appartient à vos lecteurs de décider si nous avons bien fait !"

Après l'essai de la 1000S, je dois reconnaître que oui ...


article original : texte et photos d'illustration, sur http://www.motorcyclistonline.com

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(*) note du traducteur : le modèle de série définitif fournit 118 CV à 9000T, mesure au banc effectuée par Moto Magazine (n°207 de mai 2004) ; et le modèle bridé pour la France est annoncé à 98 CV. retour au texte

A propos de l'auteur : Alan Cathcart est l'un des journalistes-essayeurs les plus connus dans le monde de la moto, à ce titre il essaye régulièrement toutes les machines des plateaux de grand prix et de superbike. Il est également un pilote renommé, ayant un palmarès enviable en supermono, en BOT (Battle Of the Twin) ou encore au TT (Tourist Trophy). Il est considéré comme un spécialiste des monocylindres et bicylindres.

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