Une belle journée avec une moto rare...

Contact - biiizzzzz ! Le tableau de bord s'illumine, les aiguilles balayent les cadrans. Procédure de démarrage, OK. Coup de pouce sur le démarreur : gniii - blom - bodom bodom bododom bodom bodom ... le gros twin s'ébroue. Il semble à la fois joyeux de tourner, et encore un peu réprobateur d'être réveillé. En tous cas, il vit. Il cogne un peu, verticalement, je ressens des vibrations de haut en bas. C'est un appel : on y va ?

La grosse MZ, une des très rares 1000S immatriculées en France, prend la direction de Nevers Magny-Cours. Environ 240 bornes de trajet depuis la région parisienne, et l'aller-retour à faire dans la journée.
Normalement, j'évite l'autoroute, et jusqu'à présent, miss MZ m'a accompagné sur des sorties ballades de 100 à 150 bornes, sans contraintes d'horaires, sur des petites routes bien viroleuses : de quoi peaufiner le rodage en profitant des sensations du gros bicylindre, prompt à la relance et bien secondé par une partie-cycle intuitive à mener et dotée d'un gros freinage.

Là, je dois abattre de la borne, rapidement. Eh bien, en principe elle devrait savoir faire ça. Et c'est le cas ! La position semi-redressée maintient à l'abri du carénage, sans effort sur les bras. La selle conducteur laisse de l'espace, je peux m'avancer ou me reculer de plusieurs centimètres à volonté, ça permet de varier la position et éviter l'ankylose. Elle permet aussi de sortir aisément d'un côté ou l'autre pour attaquer en virage serré, c'est utile avec cette moto un peu massive. Sur autoroute, nul besoin. La MZ se place en courbe très naturellement, sans aucun effort, et m'impressionne par sa stabilité sur l'angle comme par son aisance à changer de trajectoire.
 
Je croise à 130, 4500 tours/mn, il fait nuit, il fait froid et je traverse des bancs de brumes matinales qui n'engagent pas à rouler vite. Heureusement, j'ai investi dans un Pin-Lock l'hiver dernier (second écran intérieur, très efficace contre la buée). De plus, j'ai le temps, j'ai préféré partir tôt pour être cool. Le twin distille quelques fourmillements, mais pas de quoi engourdir les extrémités. Les phares des autos apparaissent comme deux petits traits verticaux, ça n'empêche pas de les situer correctement dans l'environnement. Tout ça n'a rien d'anormal sur un gros twin. Si on ne veut pas de vibrations, faut prendre un quatre pattes. Mais à l'œuvre, un quatre pattes hurle, là où un gros twin gronde. Nuance.

A vitesse réglementaire, je reviens  régulièrement dans le sillage d'autos roulant à peu près au même train, dès que j'entrouvre les gaz le twin reprend vigoureusement et dépose la chicane mobile. Plaisant. Beaucoup de motos roulent dans la même direction, la plupart me doublent. Je suis zen sur mon rythme adopté. Echange de saluts pour la plupart, l'esprit motard est bien là.  Un hurluberlu passe à certainement plus de 200, à un mètre cinquante de moi, sur un quatre cylindres hurlant : ça m'a fait un petit coup au cœur. Faut pas être cardiaque.
Je remarque beaucoup de grosses sportives, des japonaises bien sûr, mais aussi des Ducati 996 ou 748, Aprilia RSV ; rares sont les grosses GT carénées et je ne vois qu'un custom. Une Suz 250 RGV (une rareté, de nos jours !) me double dans le son suraigu de son bicylindre deux temps. En quatre temps, la plus petite cylindrée que je remarque est un Kawa 500 GPZ.

Le bord de l'autoroute présente régulièrement différentes espèces d'arbres, ça réduit la monotonie et c'est instructif. Un bouleau à papier, ouais bon, il en faut ... Un orme pleureur, comme c'est triste ... Une aire du liquidambar, j'savais même pas que ça existait ... T'imagines le pépiniériste t'annoncer qu'il vend du liquidambar ? Ouarf !
 
Je suis parti avec une petite cinquantaine de bornes déjà au compteur, faudra ravitailler, je m'en souviens en passant 185 km au partiel. Quarante bornes plus loin, pas de station et pas mieux que l'annonce d'une prochaine aire de repos à vingt km, avec coin pique-nique, toilettes, footing. Y'a un petit bonhomme en train de courir, symbolisé. Sympa, mais là j'ai pas envie de finir à pieds. Je commence à m'inquiéter, je ne connais pas cette autoroute et autour, c'est la pampa. Prochaine sortie, Saint Fargeau. Nom connu, doit bien y avoir de l'essence ; quinze bornes annoncées, c'est raisonnable. Je choisis la sécurité et quitte l'autoroute. Il y a une station, fermée. Un supermarché vend de l'essence, il ouvre le dimanche, chouette ... à partir de neuf heures, raté : je voulais justement arriver au circuit pour neuf heures.
J'ai maintenant un peu plus de 240 bornes au partiel, le témoin de réserve vient de s'allumer. Je sais la réserve relativement importante, mais les solutions s'amenuisent. Un autochtone me garantit la présence d'une pompe 24/24 à carte, 12 km plus loin. Banco, au pire si le tuyau est crevé, j'ai de quoi revenir à Saint Fargeau pour attendre l'ouverture du supermarché. Mon vernis "zen" commence à se disloquer, je me surprends à artiller à 150 dans les petits bouts droits de la route de campagne. C'est venu tout seul, la MZ a suivi ma montée d'adrénaline avec une facilité désarmante. Plus vite ? Y'a même pas à demander, c'est en stock, c'est dispo, c'est quand tu veux ... tiens d'ailleurs tu y es déjà depuis trois virages !

Enfin, le Graal du motard perdu dans la campagne, un dimanche tôt le matin, apparaît : une pompe 24/24, seule sur le parking d'un supermarché endormi. Je m'approche un peu angoissé, elle a l'air vivante. Elle prend ma carte mais, méfiante, appelle "ma banque" avant de délivrer son nectar. Putain, c'est pas le moment que le modem soit en panne ... Miracle de l'automate, les chiffres s'allument à zéro et un bruit de pompe électrique retentit. Pas étonnant que les polars motards futuristes tournent souvent autour du thème de la recherche du carburant raréfié dans un monde dévasté ...
 >
Je repars encore plus vite, cette fois je sais qu'il n'y a pas de radar sur la route que je reprends en sens inverse, j'ai le réservoir gorgé d'essence et je suis désormais en retard. Et puis, après le long bout d'autoroute, c'est un vrai plaisir de retrouver des petites routes bucoliques. J'y roule paradoxalement très nettement plus vite que sur l'autoroute ! Lorsque je le reprends, je ne fais que quelques kilomètres avant de croiser un panneau annonçant la prochaine station, à 24 km si je me souviens bien. Ah, les vaches ! Pouvaient pas le mettre avant la sortie St Fargeau, qu'on puisse décider en connaissance de cause ? Mais au moins, cette ballade m'a permis de tailler un peu de route sympa, je me sens ragaillardi, et je n'ai plus froid. Finalement ça restera un bon souvenir.

Je rebaisse le rythme, un radar est annoncé par quelques appels de phares en face. Une auto de gendarmerie, bien planquée du trafic dans le sens vers Nevers. Plus loin, tiens, bizarre, y'a une boule ronde qui dépasse de la rambarde d'un pont traversant l'autoroute. Plus près, pas de doute : c'est bien une boîte à images. Quelques ponts plus loin, rebelote. Puis encore un, cette fois c'est un modèle à jumelles. A mon avis, ils font une campagne de statistiques, je vois que ça comme explication !
 
En tous cas le rythme baisse, il y a des passages à 110, puis 90, puis le circuit se présente. Je récupère un passe, je suis invité par Xerox, sponsor du team Ducati. La MZ garée, j'entre par le côté paddock. L'accueil des hôtesses Ducati est des plus agréable !

Je visite le paddock et flashe sur un pit-bike qui déchire : le moteur me semble être celui d'un Dax, pour le reste je vous laisse admirer le délire ...  Revenons à du classique, avec cette superbe Ducati 1000DS "Small Part" replica ... Oups, pardon, c'est Paul Smart, bien sûr, à qui Ducati rend ainsi hommage !
Evidemment, je m'intéresse de près à la magnifique Ducat' 999 pilotée avec succès par Régis Laconi et James Toseland (la n° 1 est la sienne) mais je ne résiste pas à me montrer très indiscret et photographier les dessous du plus beau cul présent ... tous obsédés, ces motards ? Allez, le premier qui devine quelle est cette bécane gagne toute ma considération, moi j'aurais pas su ... réponse tout en bas (*).
 
Après une épreuve de Supersports que je n'arrive pas à voir, coincé côté paddock sans avoir trouvé l'accès aux tribunes, la première manche SBK voit la victoire de Chris Vermeulen sur Honda, assez nettement détaché, en revanche un groupe de pilotes qui se battent pour les places d'honneur assure le spectacle. James Toseland, que je suis avec un intérêt particulier compte-tenu de mon invitation, se démène comme un beau diable pour remonter de la cinquième à la troisième place. Régis Laconi, lui, a dû déclarer forfait, ce qui lui laisse de la disponibilité pour ses fans.
 
En marchant un peu autour du circuit, je n'en crois pas mes yeux : un motard sur une magnifique et rare MV Agusta F4 fait demi-tour devant un des parkings ; certes la bécane ne doit pas braquer des masses mais il balance un bon coup de gaz sur le sol gravillonné, la roue arrière en dérive lui permet de repartir dans l'autre sens, sans manœuvrer. Chapeau pour la maîtrise. Avec une bécane de ce prix, moi je n'aurais pas osé !

Le midi, c'est le rêve : déjeuner avec le team Ducati Xerox, qui dispose d'une logistique impressionnante. Outre les deux semi-remorques techniques, à cul des stands, un troisième camion du haut duquel se déplie un auvent gigantesque contient carrément une cuisine dans laquelle des cuistots italiens, en tenue aux couleurs du team, oeuvrent pour offrir un vrai repas frais, complet et équilibré. Il y a la place pour une centaine de personnes avec tables, assiettes en dur au logo Ducati, des frigos avec boissons au choix, et un menu self-service avec pâtes à la carbonara, lasagnes, salades variées, pilons de poulets rôtis, assiettes de charcuterie italienne, blocs de parmesan, et une grande gamelle plate large comme un side Oural, contenant un tiramisu géant qui hypnotise les regards des plus gourmands. Les pilotes, techniciens, mécanos et invités se servent au même buffet et mangent de part et d'autre du même auvent, c'est très décontracté et l'accueil vraiment sympa. J'apprécie encore plus ce privilège en voyant les autres spectateurs manger des parts de frites grasses payées les yeux de la tête dans les baraques sur le circuit !

L'après-midi, après une épreuve de GSXR-Cup animée, la seconde manche Superbike prend un peu de retard après un strike dans le premier virage suivant le baisser du drapeau : deux pilotes se sont accrochés et ont traversé la trajectoire du peloton groupé. Bilan, cinq absents au second départ. Chris Vermeulen refait le coup de partir devant dès le début, mais cette fois Lorenzo Lanzi, bénéficiant lui aussi d'une Ducati usine, s'accroche à ses basques. J'ai d'ailleurs juste à ma gauche un fan club du pilote italien, ils sont dix, gesticulent, crient, agitent des drapeaux, et jouent tous ensemble de la corne de brume. Dix cornes qui trompent en même temps, je vous laisse imaginer. Bref, exubérants comme peuvent l'être des Italiens. Lorsque Vermeulen s'écarte sur panne mécanique, laissant la tête de la course à Lanzi jusqu'à l'arrivée, le délire monte encore d'un cran !

La météo magnifique nous a valu un grand soleil tout l'après-midi, il commence à faire soif, je ne veux pas repartir déshydraté au guidon de la MZ : ce serait un facteur de fatigue dangereux. Malgré l'invitation permanente, j'ai scrupule à retourner à la tente Ducati juste pour prendre une boisson avant de partir ; j'achète une petite bouteille d'eau plate dans une baraque à frites ... 3 euros pour 50cl, gasp ! Servie fraîche, heureusement ...

Cette fois, dès 165 km au partiel, je commence à chercher et repère rapidement une station sur l'autoroute. Et la MZ pète un score : 5,33 litres aux cents consommés depuis le dernier plein ! Jamais je n'avais consommé aussi peu. L'autoroute à vitesse stabilisée lui convient fort bien. Arrivé dans l'Essonne, je retrouve vite les sempiternels bouchons de retours de week-end vers Paris. La MZ passe plutôt bien entre les files, je me demande vraiment comment tous ces caisseux peuvent supporter ça. Et j'arrive chez moi même pas fatigué du trajet ! Merci m'sieur MZ pour cette très, très bonne bécane !
 
(*) C'est la Foggy Petronas à trois cylindres. La bécane est née de la collaboration entre Karl Fogarty (d'où le nom "Foggy") et le constructeur Malais également connu pour ses motorisations en F1 (sur châssis Sauber je crois).


Retour à la home page        Retour à l'avis MZ 1000S