A mon arrivée, plusieurs
amicalistes sont déjà au chevet d'un Dniepr, celui de Farid, qui refuse
de fonctionner ou du moins de redémarrer après chaque arrêt. Philippe
me photographie sur le Ranger, tout équipé pour la route,
le froid et le camping ; et je range mon attelage arborant à
nouveau fièrement son drapeau parmi les premiers arrivés
de la quinzaine de sidecars participants.
J'admire
particulièrement les deux Ural Vorona du même Philippe et
de Jean-Pierre, ce sont deux représentants d'une série
limitée noir mat dont la beauté sobre me plait beaucoup.
En sus ils sont équipés du frein à disque à
l'avant. Vorona désignerait, en Russe, la femelle du corbeau ;
appellation parfaitement en phase avec le coloris !
Suite
au repas, nous partons pour la traditionnelle ballade, laquelle
s'avèrera assez épique. Le début est calme, nous
rejoignons de jolies petites routes étroites et montagneuses, il
fait très beau, la file indienne d'attelages s'étire et
serpente joliment sur les pentes des Vosges. J'aurai l'insigne honneur
d'ouvrir la suite d'évènements en choisissant de freiner,
à l'approche conjointe d'un "cédez le passage" et d'une
auto en bénéficiant. Poum ! Mon Ranger fait un bond en
avant, l'attelage derrière moi n'a pas pu freiner à temps
et le nez de son panier a percuté l'arrière de ma moto.
Je ne fais que quelques mètres de plus et dois me ranger,
j'entends le pneu arrière couiner : le garde-boue
déformé frotte dessus. Plus précisément,
c'est le tube arrondi à l'arrière du cadre qui s'est
déformé, et le garde-boue l'a suivi. Quelques tractions
viriles à plusieurs sur ledit tube suffiront à le
recentrer suffisament pour reprendre la route. L'embrassade à la
Russe a valu à l'autre sidecar un creux marqué dans la
carosserie du nez du panier, cela va demander beaucoup plus de boulot
que sur le mien pour rattraper le coup, entre le débosselage
à la cale et au marteau, et la peinture toujours délicate
à raccorder. Heureusement, les petites bosses sur ce genre de
motos rustiques restent loin de suffir à altérer la bonne
humeur, et une bataille de boules de neiges commence autour de nous.
Peu après, nous abordons des passages plus délicats sur
une petite route de montagne, en pente et enneigée. Je remets le
crabot, le Ranger progresse sans difficulté hormis la direction
qui demande des actions bien franches : coups de gaz, coups de frein,
grands coups de guidons, tout est bon pour arriver à ses fins.
Devant moi, un Dniepr à moteur BMW, piloté par un
habitué de ces conditions, passe tout en travers et gaz en grand
; par moments sa roue côté side me crible de neige durcie.
Nous faisons une pose à la scierie qui a été lieu
de tournage du film "Les Grandes Gueules" et attendons comme bien
souvent les retardataires. Une machine est tombée en panne
d'essence dans la montée, pas grave les jerricans sont là
pour ça, en revanche pour redémarrer il faut de l'aide.
Prévoyant, un amicaliste a un "booster" de batterie dans son
coffre, il redescend donner un coup de main.
Pendant ce temps, premier indice que ça se corse : Lénine
organisateur du rassemblement, commence à brieffer les
présents. La suite du chemin est plus difficile, ça monte
fort et la neige est plus présente. Il propose de commencer
à y aller doucement, un par un. Mickey, président
incontesté (sauf par Seppy) de l'Amicale, file un coup de Vodka
à qui veut, peut-être pour donner du coeur au ventre
(deuxième indice). Pour ma part, après une bonne
bière et un coup de Vodka, je suis motivé : j'y
vais. Dès les premières épingles ça glisse
bien, mais ça passe ; la neige est verglacée au centre du
chemin mais sur les côtés elle est moins lisse et on
arrive à trouver l'adhérence d'un côté ou de
l'autre.
Quelques lacets plus loin, je suis obligé de m'arrêter car
deux sidecars sont stoppés. Je comprends vite pourquoi : un
troisième est dans le ravin ! Jacky, son pilote, est
heureusement debout, tentant sans succès de remonter la pente
à pied pour revenir sur la route. Il a fait avec son Ural basic
un saut impressionnant, car il est sorti à l'intérieur
d'une courbe en appui sur un mur de pierres en a-pic vertical de un
à deux mètres selon l'endroit, avant que ne reprenne la
pente du ravin où son attelage s'est immobilisé.
Après avoir fait un tonneau arrière, nous
précisera-t-il plus tard. Descendant de mon Ranger, je
réalise que la route est intégralement couverte de glace,
au point qu'il est délicat de tenir debout à pied ! C'est
ainsi que Jean-Marie, arrivé avant moi et voulant porter
assistance, a fait une chute malheureuse qui lui vaut une vive douleur,
plus tard diagnostiquée comme une fracture du
péronée. Jacky pour sa part ne souffre que de contusions
et sa cuisse révèlera plus tard un gros hématome.
Il
ne sera pas dit que l'Amicale aura abandonné un de ses attelages
: si le remonter semble totalement exclu sans matériel lourd, un
sentier en contrebas permet d'espérer ramener l'Oural.
Après avoir un peu taillé dans la
végétation, moitié porté moitié
retenu en dévalant la pente, l'attelage retrouve un chemin
praticable. Je me félicite d'avoir bien graissé mes
bottes, car on patauge dans le sous-bois bien gras et l'eau d'un
ruisseau qui dévale sur la pente. L'Oural basic ne semble
pas avoir trop souffert, hormis le feu arrière explosé,
le parebrise du side cassé, l'avant du panier un peu
enfoncé avec le jerrican et son support bien amochés. Le
cadre n'a pas bougé et le moteur redémarre à la
première sollicitation. Malgré cela, il faudra encore le
pousser pour remonter le sentier, car la pente est forte et ce
modèle ne dispose de motricité qu'à la roue de la
moto. Jacky explique : "je n'arrivais plus à avancer, j'avais
beau accélérer il reculait et j'ai basculé en
arrière". Effectivement, une fois tout élan perdu et avec
une roue qui patine et les deux autres libres dans l'idée
d'avancer, l'attelage est parti en arrière sous l'effet de la
pente. Il eût probablement fallu ne pas insister et
immédiatement freiner doucement pour avoir les trois roues
actives à arrêter l'engin. Il a fallu encore des efforts
marqués pour ouvrir le jerrican et ainsi le
dépressuriser, et le brave Oural a pu reprendre son chemin.
Quant à Jean-Marie, il redescend dans un panier conduit par
Seppy, jusqu'à l'hôpital de Dommartin dont il reviendra le
soir plâtré et équipé de béquilles.
Le
reste de la montée est évidemment abandonné, nous
avons eu suffisament d'émotions. Ceux qui étaient
passés avant nous confirmeront que les difficultés se
poursuivaient plus haut, notamment Farid qui nous fait bien rire en se
décrivant, couché de tout son long au sol pour
empêcher son Dniepr de glisser une fois l'adhérence
perdue, et le poussant vers un peu d'herbe enneigée moins
glissante que le chemin verglacé. On attend encore une machine
dont un retour de compression au carbu a éjecté le
cornet-filtre d'admission, et enfin une visite d'une distillerie locale
permettra de conclure dignement cette sortie, Mickey poursuivant sa
croisade en faveur de l'usage des antigels lors des sorties hivernales
(ou non). Il résumera avec à propos : "deux
blessés légers, trois motos abîmées, quatre
pannes : ça c'est une belle sortie ! "
Passons sur la soirée-choucroute au gîte, cette page se
veut parler principalement de l'usage que je fais de ma moto Russe, et
même si la convivialité en est fort heureusement
indissociable, je vous invite à lire le compte-rendu sur le site
de l'Amicale ou, encore mieux, à participer prochainement.
Le lendemain matin, je repars relativement tôt pour ne pas me
soucier du temps de trajet, la météo est magnifique avec
un plein soleil. Je monte un petit col vers le Val d'Ajol, la route est
superbe mais le Ranger se met à ratatouiller ; cap
immédiat sur le bas-côté, et le moteur
s'arrête tout seul. Contrôle des filtres à essence :
à gauche je vois un peu de liquide, à droite il semble
bien vide, quoique le kilométrage soit loin de laisser penser au
besoin de passer en réserve. Je bascule le robinet en
position PRI, l'essence afflue et je redémarre sans
difficulté. Plus loin je rebascule sur ON pour tester, les
ratatouilles reviennent quelques secondes après et je remets sur
PRI avant que le moteur ne coupe. Soit, pour l'instant je continue
comme ça, je n'ai pas le choix !
Quelques dizaines de km plus loin, la reprise à bas
régime me déplait, je sens un temps mort à la
remise des gaz pendant lequel le 750 semble renâcler avant de
reprendre un peu sèchement. Hé hé, ce coup-ci je
suis averti, le flat m'a déjà fait ce coup-là. Je
sors mon tournevis, contrôle des butées de ralenti : comme
deviné, celle de droite s'est dévissée avec les
vibrations et je la remets vite fait en place bien
réglée. Mais à bricoler accroupi devant les
carbus, je constate quelque chose qui m'avait échappé
jusqu'à présent : la durit de dépression partant
du carbu gauche s'est dessertie du robinet d'essence ! Le collier
Serflex n'est plus là, je pose donc une paire de petits colliers
en Rilsan pour serrer la durit en place. Retour en position ON, avec sa
dépression le robinet fonctionne évidemment beaucoup
mieux, comment n'y ai-je pas pensé plus tôt ?
La suite du trajet est sans plus aucun souci, encore une fois mon Oural
montre que s'il pimente régulièrement les voyages par de
menus incidents faciles à traiter, sa base est fiable.
D'ailleurs, à l'arrivée des quelques 800km parcourus
à l'occasion de cette sortie, le contrôle de niveau
d'huile moteur montre une consommation nulle et une belle couleur, le
Ranger affichant désormais 8000km. Avec mon gros tube de chauffe
habituel en guise de levier, bien ligoté au tube support du
garde-boue arrière par de la sangle de surplus militaire, j'ai
fini de redresser et recentrer parfaitement le garde-boue ; j'ai
dû pousser comme un âne de toutes mes forces pour y
arriver, avec l'arrière de la moto calé contre un pilier
de béton sinon l'ensemble ripait au sol sous la poussée,
mais voilà c'est fait et il n'y parait absolument plus !
Mars
2007 : l'Amicale se retrouve en Picardie, à Merlieux et
Fouquerolles suite à la sympathique invitation de Jean-Phi et
Sylvie (qu'ils en soient remerciés !!). D'obscures
négociations m'amènent à NE PAS rouler avec
l'Oural, ceux qui veulent en savoir plus sur cette sombre affaire de
jalousie peuvent consulter la page MZ
correspondante ... Mais cela ne m'empêche pas d'y être, et
de ramener pour ceux que ça amuse quelques photos ... rares, car
la lumière était assez médiocre pour cause de
météo pourrie, et aussi parce que je ne restais que le
samedi !
Alors ... un petit tour avec l'Amicale ? C'est par là !
Lire la suite ...