Février 2007 : la cellule Alsacienne de l'Amicale organise son hivernale annuelle dans les Vosges, à Dommartin lès Remiremont. J'ai déjà lu quelques compte-rendus des éditions précédentes de ce rendez-vous désormais classique de l'Amicale ;  lesquels m'ont convaincu d'avoir raté quelques bons moments. Cette année, ce ne sera pas sans moi !




Bien en phase avec la philosophie de l'attelage Russe, je décide de poser une journée de congé pour rouler tranquillement dès le vendredi : une fois admis qu'on dispose d'une large journée pour faire son trajet, on roule parfaitement relax. Le rendez-vous étant pour déjeûner le samedi midi, j'emporte mon matériel de camping en prévision d'une halte vers les deux tiers ou trois-quarts du trajet ; j'en garderai un peu pour occuper le samedi matin à musarder sur les petites routes des Vosges !

seul dans la pampa ...

La route vers l'Est est longue, notamment la Brie qui semble interminable à 70 ou 75 km/h, avec ses grands espaces plats. Par moments je me sens seul perdu dans la Pampa ... Le temps est froid, mais un peu couvert et humide ce qui ménage des températures très supportables, nettement au-dessus de zéro. Lorsque je commence à sentir le froid, un grand café dans un bistrot de village ou une pause pipi+antigel me permettent de repartir gaillardement. Je trouve vers 17h un bois isolé, vide et silencieux dans lequel un chemin de terre permet de s'enfoncer. Il y a de larges flaques d'eau boueuse, certaines avec une pellicule de glace ; j'enclanche le crabot. Encore un chemin adjacent, tapissé cette fois de feuilles mortes à moitié décomposées et gorgées d'eau, un créneau un peu plus loin entre deux arbres et je peux monter mon campement loin de toute âme qui vive.

Campement en sous-boisA l'avant du panier, je déploie le beau drapeau Russe dont on m'a récemment fait cadeau ; j'ai bricolé une hampe qui rentre pile-poil dans le support de mitrailleuse. Je commence par une bonne bière sortie du coffre du Ranger, elle est à température idéale, bien fraîche. Pour dîner j'utilise pour la première fois le réchaud Coleman à essence que j'ai emporté à la place de mon vieux bleuet ; après avoir craint à deux ou trois reprises que tout le bazar n'explose il se met à fonctionner à peu près normalement, c'est-à-dire avec de petites flammes bleues au lieu de grandes flammes jaunes lêchant largement les bords de ma pauvre casserole au risque d'en cramer le manche. Le bleuet aurait pu fonctionner, il fait 7 degrés ce soir dans ce sous-bois, mais il m'a trahi à plusieurs reprises par températures inférieures à zéro et j'ai donc choisi de le réserver aux saisons douces. Dîner, puis je rince à l'eau, d'une main, l'intérieur de ma casserole ... l'autre main ressort totalement noire de l'opération ! Le Coleman a déposé une bonne couche de suie au cul et sur les côtés de la casserole ; la prochaine fois je ferai attention à ne pas tenir la casserole n'importe comment !

La nuit ne s'avèrera pas trop froide, il fait trop humide pour que la température baisse nettement, j'entends la bruine marteller légèrement la toile de tente. Je n'utilise que mon brave vieux sac de couchage à 50 balles que je traîne avec moi depuis plus de vingt ans, j'en avais emmené un second plus récent et plus épais piqué à ma fille au cas où, mais je n'en ai pas eu besoin. Au réveil au petit matin, il fait 3 degrés dehors, le grand café chaud fait tout de même beaucoup de bien puis je reprends la route par un beau soleil qui chasse les dernières brumes.

En avançant vers les Vosges, je croise ce panneau rigolo et ne résiste pas au plaisir de faire un arrêt-pipi sur place (le froid ça donne envie !) : alors, où tout cela finira-t-il ?

Il me reste une centaine de kilomètres à parcourir, ce dont le Ranger s'acquite avec bonne volonté par les petites routes que je lui ai choisies. Globalement il s'est parfaitement comporté tout le trajet, j'ai juste ressenti à deux occasions deux petites pertes de puissance en charge, pas plus d'une fraction de seconde ; le moteur reprenant immédiatement. Juste de quoi rappeler aux bons souvenirs du conducteur que en-dessous, il y a quelque chose qui vit, qui fait des efforts et ne fait ce qu'on lui demande que tant que ça lui plait. Ce que Jean-Phi me confirmera peu après, tapotant gentiment son Dniepr : "brave bête ... de temps en temps, il faut le flatter !"


Equipé pour la route, le froid et le camping.

A mon arrivée, plusieurs amicalistes sont déjà au chevet d'un Dniepr, celui de Farid, qui refuse de fonctionner ou du moins de redémarrer après chaque arrêt. Philippe me photographie sur le Ranger, tout équipé pour la route, le froid et le camping ; et je range mon attelage arborant à nouveau fièrement son drapeau parmi les premiers arrivés de la quinzaine de sidecars participants.

 

J'admire particulièrement les deux Ural Vorona du même Philippe et de Jean-Pierre, ce sont deux représentants d'une série limitée noir mat dont la beauté sobre me plait beaucoup. En sus ils sont équipés du frein à disque à l'avant. Vorona désignerait, en Russe, la femelle du corbeau ; appellation parfaitement en phase avec le coloris !

Ural Vorona


Suite au repas, nous partons pour la traditionnelle ballade, laquelle s'avèrera assez épique. Le début est calme, nous rejoignons de jolies petites routes étroites et montagneuses, il fait très beau, la file indienne d'attelages s'étire et serpente joliment sur les pentes des Vosges. J'aurai l'insigne honneur d'ouvrir la suite d'évènements en choisissant de freiner, à l'approche conjointe d'un "cédez le passage" et d'une auto en bénéficiant. Poum ! Mon Ranger fait un bond en avant, l'attelage derrière moi n'a pas pu freiner à temps et le nez de son panier a percuté l'arrière de ma moto. Je ne fais que quelques mètres de plus et dois me ranger, j'entends le pneu arrière couiner : le garde-boue déformé frotte dessus. Plus précisément, c'est le tube arrondi à l'arrière du cadre qui s'est déformé, et le garde-boue l'a suivi. Quelques tractions viriles à plusieurs sur ledit tube suffiront à le recentrer suffisament pour reprendre la route. L'embrassade à la Russe a valu à l'autre sidecar un creux marqué dans la carosserie du nez du panier, cela va demander beaucoup plus de boulot que sur le mien pour rattraper le coup, entre le débosselage à la cale et au marteau, et la peinture toujours délicate à raccorder. Heureusement, les petites bosses sur ce genre de motos rustiques restent loin de suffir à altérer la bonne humeur, et une bataille de boules de neiges commence autour de nous.

à la scierie des Grandes Gueules

Peu après, nous abordons des passages plus délicats sur une petite route de montagne, en pente et enneigée. Je remets le crabot, le Ranger progresse sans difficulté hormis la direction qui demande des actions bien franches : coups de gaz, coups de frein, grands coups de guidons, tout est bon pour arriver à ses fins. Devant moi, un Dniepr à moteur BMW, piloté par un habitué de ces conditions, passe tout en travers et gaz en grand ; par moments sa roue côté side me crible de neige durcie. Nous faisons une pose à la scierie qui a été lieu de tournage du film "Les Grandes Gueules" et attendons comme bien souvent les retardataires. Une machine est tombée en panne d'essence dans la montée, pas grave les jerricans sont là pour ça, en revanche pour redémarrer il faut de l'aide. Prévoyant, un amicaliste a un "booster" de batterie dans son coffre, il redescend donner un coup de main.

Pendant ce temps, premier indice que ça se corse : Lénine organisateur du rassemblement, commence à brieffer les présents. La suite du chemin est plus difficile, ça monte fort et la neige est plus présente. Il propose de commencer à y aller doucement, un par un. Mickey, président incontesté (sauf par Seppy) de l'Amicale, file un coup de Vodka à qui veut, peut-être pour donner du coeur au ventre (deuxième indice). Pour ma part, après une bonne bière et un coup de Vodka, je suis motivé : j'y vais. Dès les premières épingles ça glisse bien, mais ça passe ; la neige est verglacée au centre du chemin mais sur les côtés elle est moins lisse et on arrive à trouver l'adhérence d'un côté ou de l'autre.

Quelques lacets plus loin, je suis obligé de m'arrêter car deux sidecars sont stoppés. Je comprends vite pourquoi : un troisième est dans le ravin ! Jacky, son pilote, est heureusement debout, tentant sans succès de remonter la pente à pied pour revenir sur la route. Il a fait avec son Ural basic un saut impressionnant, car il est sorti à l'intérieur d'une courbe en appui sur un mur de pierres en a-pic vertical de un à deux mètres selon l'endroit, avant que ne reprenne la pente du ravin où son attelage s'est immobilisé. Après avoir fait un tonneau arrière, nous précisera-t-il plus tard. Descendant de mon Ranger, je réalise que la route est intégralement couverte de glace, au point qu'il est délicat de tenir debout à pied ! C'est ainsi que Jean-Marie, arrivé avant moi et voulant porter assistance, a fait une chute malheureuse qui lui vaut une vive douleur, plus tard diagnostiquée comme une fracture du péronée. Jacky pour sa part ne souffre que de contusions et sa cuisse révèlera plus tard un gros hématome.

sortie du trouIl ne sera pas dit que l'Amicale aura abandonné un de ses attelages : si le remonter semble totalement exclu sans matériel lourd, un sentier en contrebas permet d'espérer ramener l'Oural. Après avoir un peu taillé dans la végétation, moitié porté moitié retenu en dévalant la pente, l'attelage retrouve un chemin praticable. Je me félicite d'avoir bien graissé mes bottes, car on patauge dans le sous-bois bien gras et l'eau d'un ruisseau qui dévale  sur la pente. L'Oural basic ne semble pas avoir trop souffert, hormis le feu arrière explosé, le parebrise du side cassé, l'avant du panier un peu enfoncé avec le jerrican et son support bien amochés. Le cadre n'a pas bougé et le moteur redémarre à la première sollicitation. Malgré cela, il faudra encore le pousser pour remonter le sentier, car la pente est forte et ce modèle ne dispose de motricité qu'à la roue de la moto. Jacky explique : "je n'arrivais plus à avancer, j'avais beau accélérer il reculait et j'ai basculé en arrière". Effectivement, une fois tout élan perdu et avec une roue qui patine et les deux autres libres dans l'idée d'avancer, l'attelage est parti en arrière sous l'effet de la pente. Il eût probablement fallu ne pas insister et immédiatement freiner doucement pour avoir les trois roues actives à arrêter l'engin. Il a fallu encore des efforts marqués pour ouvrir le jerrican et ainsi le dépressuriser, et le brave Oural a pu reprendre son chemin. Quant à Jean-Marie, il redescend dans un panier conduit par Seppy, jusqu'à l'hôpital de Dommartin dont il reviendra le soir plâtré et équipé de béquilles.

Notre PrézLe reste de la montée est évidemment abandonné, nous avons eu suffisament d'émotions. Ceux qui étaient passés avant nous confirmeront que les difficultés se poursuivaient plus haut, notamment Farid qui nous fait bien rire en se décrivant, couché de tout son long au sol pour empêcher son Dniepr de glisser une fois l'adhérence perdue, et le poussant vers un peu d'herbe enneigée moins glissante que le chemin verglacé. On attend encore une machine dont un retour de compression au carbu a éjecté le cornet-filtre d'admission, et enfin une visite d'une distillerie locale permettra de conclure dignement cette sortie, Mickey poursuivant sa croisade en faveur de l'usage des antigels lors des sorties hivernales (ou non). Il résumera avec à propos : "deux blessés légers, trois motos abîmées, quatre pannes : ça c'est une belle sortie ! "

Passons sur la soirée-choucroute au gîte, cette page se veut parler principalement de l'usage que je fais de ma moto Russe, et même si la convivialité en est fort heureusement indissociable, je vous invite à lire le compte-rendu sur le site de l'Amicale ou, encore mieux, à participer prochainement.

Le lendemain matin, je repars relativement tôt pour ne pas me soucier du temps de trajet, la météo est magnifique avec un plein soleil. Je monte un petit col vers le Val d'Ajol, la route est superbe mais le Ranger se met à ratatouiller ; cap immédiat sur le bas-côté, et le moteur s'arrête tout seul. Contrôle des filtres à essence : à gauche je vois un peu de liquide, à droite il semble bien vide, quoique le kilométrage soit loin de laisser penser au besoin de passer en réserve. Je bascule le robinet en position PRI, l'essence afflue et je redémarre sans difficulté. Plus loin je rebascule sur ON pour tester, les ratatouilles reviennent quelques secondes après et je remets sur PRI avant que le moteur ne coupe. Soit, pour l'instant je continue comme ça, je n'ai pas le choix !

Quelques dizaines de km plus loin, la reprise à bas régime me déplait, je sens un temps mort à la remise des gaz pendant lequel le 750 semble renâcler avant de reprendre un peu sèchement. Hé hé, ce coup-ci je suis averti, le flat m'a déjà fait ce coup-là. Je sors mon tournevis, contrôle des butées de ralenti : comme deviné, celle de droite s'est dévissée avec les vibrations et je la remets vite fait en place bien réglée. Mais à bricoler accroupi devant les carbus, je constate quelque chose qui m'avait échappé jusqu'à présent : la durit de dépression partant du carbu gauche s'est dessertie du robinet d'essence ! Le collier Serflex n'est plus là, je pose donc une paire de petits colliers en Rilsan pour serrer la durit en place. Retour en position ON, avec sa dépression le robinet fonctionne évidemment beaucoup mieux, comment n'y ai-je pas pensé plus tôt ?

La suite du trajet est sans plus aucun souci, encore une fois mon Oural montre que s'il pimente régulièrement les voyages par de menus incidents faciles à traiter, sa base est fiable. D'ailleurs, à l'arrivée des quelques 800km parcourus à l'occasion de cette sortie, le contrôle de niveau d'huile moteur montre une consommation nulle et une belle couleur, le Ranger affichant désormais 8000km. Avec mon gros tube de chauffe habituel en guise de levier, bien ligoté au tube support du garde-boue arrière par de la sangle de surplus militaire, j'ai fini de redresser et recentrer parfaitement le garde-boue ; j'ai dû pousser comme un âne de toutes mes forces pour y arriver, avec l'arrière de la moto calé contre un pilier de béton sinon l'ensemble ripait au sol sous la poussée, mais voilà c'est fait et il n'y parait absolument plus !

Enfin une bière spéciale Amicale !Mars 2007 : l'Amicale se retrouve en Picardie, à Merlieux et Fouquerolles suite à la sympathique invitation de Jean-Phi et Sylvie (qu'ils en soient remerciés !!). D'obscures négociations m'amènent à NE PAS rouler avec l'Oural, ceux qui veulent en savoir plus sur cette sombre affaire de jalousie peuvent consulter la page MZ correspondante ... Mais cela ne m'empêche pas d'y être, et de ramener pour ceux que ça amuse quelques photos ... rares, car la lumière était assez médiocre pour cause de météo pourrie, et aussi parce que je ne restais que le samedi !

Alors ... un petit tour avec l'Amicale ? C'est par là !





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